... Arrivé à Jérusalem, les choses, hélas, se compliquent.
Pour commencer, mes recherches sur Internet laissent à penser qu’il n’y a, dans cette ville de presque un million d'habitants, que des spécialistes de la musique liturgique et variantes connexes.
Un périple homérique dans ma voiture de location, au cours duquel je passe quatre fois dans la rue King George après une traversée (plutôt dépaysante) du quartier ultra-orthodoxe, me confirme en outre que ces spécialistes de la musique liturgique sont difficiles à trouver.
De plus, ils n’ont sans doute pas de CD d’Alon Yavnai.
Pourtant, à Jérusalem, il y a tout - même des galeries marchandes ultra-sophistiquées et des restaurants super-hip et pas bibliques du tout pour shoppeurs et fêtards fous qui n’ont pas le temps d’aller à Eilat.
Il y a aussi d’excellentes pizzas.
J’aime beaucoup la pizza ; c’est rond, mais cela ne remplace pas un CD d’Alon Yavnai.
Le moment est venu d’adopter une approche plus pragmatique.
Comme j’ai décidé d’aller au Mur des Lamentations et qu’il me faut une kippa, je me dis qu’autant faire coup double en explorant à cet effet les environs animés de Ben Hillel (mon hôtel est à deux pas).
Je trouve assez rapidement une kippa plutôt jolie (en tout cas plus jolie que celle avec Bob l’Éponge ou l’emblème des Chicago Bulls).
Mais pour Alon Yavnai - vous l’aurez deviné à ce stade - c’est plus incertain.
Je finis par trouver une petite épicerie-quincaillerie-bazar, où ils ont aussi des CD.
À présent, je suis prêt à tout.
J’entre donc et je confie ma quête au patron, qui parle un anglais très approximatif (en fait proche de zéro).
Mais il a compris ‘CD’ ; pour Alon Yavnai, je ne suis pas trop sûr, car il me propose les 20 meilleurs tubes de Sarit Hadad.
Elle ne ressemble pas beaucoup à Alon Yavnai, mais elle a l’air plutôt sexy (à ce moment-là, mon amie jalouse n’est pas avec moi).
Je demande : « What kind of music is it? ».
Il me répond : « Very good, like Bob Dylan ».
Je suis un peu soupçonneux, à vrai dire - mais comme en même temps, je suis assez désespéré, je joue le tout pour le tout.
Cela fera au moins un souvenir.
Néanmoins, pour augmenter mes chances de n’être pas complètement à côté de la plaque, je décide d’acheter un deuxième CD - en back-up.
Le spécialiste me conseille un album où figure la photo d’un playboy chauve (en fait Eyal Golan, mais c’est écrit derrière en tout petit et pour les gros titres, je ne lis toujours pas l’hébreu).
Je lui demande: « What kind of music is it? ».
Il me répond : « Very good, like Bob Dylan ».
Là, je l’avoue, je commence à douter un peu.
Mais à ce moment précis, deux groupies d’âge assez mûr entrent dans le magasin.
Ce CD est ‘wonderful, wonderful wonderful’, et elles y ajoutent une gestuelle irrésistible ponctuée de grands hululements.
Affaire conclue !
Me voici donc muni, à défaut d’Alon Yavnai, de deux CD enregistrés par des enfants spirituels de Bob Dylan.
Même si un doute sournois persiste, côté paternité.
La quête a-t-elle trouvé là son dénouement ? Pas tout à fait, évidemment, d’autant que ces deux enfants spirituels sont aussi éloignés de leur papa que d’Alon Yavnai.
Mais de cela, je me rends compte à mon retour, loin, très loin des crépuscules animés et de la brise fraîche du soir à Jérusalem.
Il me faut, décidément, un CD d’Alon Yavnai.
Je suis trop frustré.
Même à défaut de l’avoir acheté sur place.
Cela aurait fait un beau souvenir, mais il a fallu se faire une raison, et je n'étais pas partant pour un aimant de frigo en forme de dromadaire avec, marqué cette fois-ci sur la bosse, « I love Jerusalem ».
Je vais donc - tant pis pour la couleur locale - sur Amazon.
En 30 secondes, je suis arrivé à bon port : en plus, il y a du choix.
Nul n’est prophète en son pays.
J’aurai finalement mon CD d’Alon Yavnai.
Même s’il provient d’un entrepôt à Cardiff géré par un spécialiste américain de la VPC fondé par un émigré cubain, plutôt que d’une épicerie à Jérusalem.
Huit jours plus tard, il est là.
Et oui, c’est effectivement un CD d’Alon Yavnai.
Évidemment, ça ne ressemble pas beaucoup à Bob Dylan.
Mais ce n’était pas du tout l’objectif et pour être très franc, c’est beaucoup mieux comme ça.