Nous avons garder notre compte bancaire à Modiin, car nous avons le plus chouette des directeurs de banque qui soit.
Mais quand il faut récupérer une nouvelle carte de crédit, je me fais envoyer celle-ci à Kfar saba, dans l'une des innombrables agences de la ville.
Au pif, je décide que ce sera celle en réfection dans la rue principale.
LA mauvaise idée !
D'abord tu mets trois heures à comprendre où est l'entrée provisoire.
Commence alors le jeu de piste, jusqu'à ce que tu repères le garde, planqué derrière les gravats.
Un petit jeune qui dit bonjour tout en jouant sur son téléphone et qui te demande où tu dois aller.
"Je viens chercher ma nouvelle carte de crédit"
"Tu rentres et c'est tout droit."
Merci.
Je rentre et le deuxième indice à trouver dans le jeu de piste c'est le guichet ad hoc.
Tout le monde a l'air égaré, même le personnel.
L'être humain déteste le changement, et cela, même si la banque va vraiment faire un lifting.
Je demande à un gars dont le bureau fait face à l'entrée et que l'on doit interrompre toutes les 2 minutes, où je peux récupérer ma carte de crédit.
"Ce n'est pas ici, tu ressors, et tu prends à droite."
Merci.
A droite, il y a des machines qui distribuent des tickets en fonction de ce que tu viens faire.
Je prends un ticket.
Je me retrouve dans une salle sans fenêtre, elle aussi en réfection, pleine de chaises avec des gens dessus qui attendent tous un numéro dans la main et, au-dessus d'eux, un grand écran où sont
sensés défilés des numéros mais sur lequel rien ne se passe.
Enfin, à part le numéro 331.
Moi j'ai le 18.
Tous, moi y compris, nous regardeons dans un aller retour assez stupide, notre numéro et l'écran, notre numéro, l'écran, notre numéro, et ...
Jusquau moment où un papy arrive avec son caddie et, bien que tenant un ticket à la main, se dirige vers un guichet vide.
Du coup je demande à une hotesse que je n'avais pas vue jusque là parce qu'elle ne sert à rien, où est le numéro 18.
Tu vas au bout, c'est le dernier guichet.
Guichet 14 je précise, rien à voir donc avec mon foutu numéro 18.
J'attends mon tour.
La dame au guichet est comme toutes les israéliennes des guichets, elle est "embijoutée" comme une représentante de chez Le Manège à Bijoux, elle mange des petits gâteaux secs, parle à sa
voisine, répond au téléphone, et tape sur le clavier de ses longs et faux ongles, eux aussi sertis de tout un tas de choses bizarres.
Arrive mon tour.
Sourire.
"Que puis-je faire pour toi ?"
Moi: "Je viens chercher ma nouvelle carte de crédit...."
"Tu as un compte privé ? "
"Oui."
"Ici, ce ne sont que les comptes de société. Tu dois aller à l'étage."
"Yaffa, ici présente..."
Yaffa, la ronde soixantaine et maquillée comme une voiture volée, se promène parmi ses collègues féminines, parlant de tout un tas de chose, une tasse de café à la main.
"...sera à son guichet très bientôt."
Je ne sais pas vous, mais il y a des fois où on sait que mieux vaut être philosophe, parce que frapper quelqu'un ne me fera pas obtenir ma carte de crédit plus rapidement.
Je monte en me demandant quand Yaffa aura fini son café.
Arrivée au guichet de Yaffa, là où c'est écrit "Yaffa", on me dit que ce n'est pas le guichet de Yaffa (?), et que le sien est là où se trouve déjà assise une dame qui a l'air de s'être momifiée
tant elle a attendu.
J'attends debout derrière elle, et arrivent deux messieurs dont un, qui a largement fréquenter le siècle dernier, lui aussi, et un plus jeune.
Le plus jeune me dit, "Nous attendons au mauvais guichet depuis un bon moment..."
Sous-entendu, on est avant toi, ma vieille.
Oui bon, je n'ai pas le coeur à envoyer paître un centenaire et je souris.
Arrive Yaffa The Queen, repue de son café, des dollars en main pour la cliente.
Elle s'assied, remet son siège droit, sautille sur le coussin pour lui redonner la forme de ses fesses rebondies, et commence à compter les billets.
Un type arrive, la caricature de l'homme pressé qui croit qu'en ayant l'air pressé, nous, on va l'être moins.
Il lui pose une question, et elle répond.
Donc elle arrête de compter les billets.
Elle reprend et la mamie lui dit quelque chose.
Elle la fait répéter tout en s'enfournant des petits biscuits secs.
Une dame boudinée dans son pull, elle doit, elle aussi, adorer les biscuits secs, et toute essoufflée, arrive et lui sort un "Salut" tonitruant.
Yaffa s'interrompt pour lui répondre et lui demander comment elle va.
Tout le monde va bien.
Mamie attend.
Nous aussi.
La dame aussi a l'air pressée.
En tous cas elle nous regarde l'air de dire qu'elle n'a pas que ça à faire.
Mamie, elle, elle n'a que ça à faire.
Donc elle dit à Yaffa qu'elle veut verser des sous sur un compte mais elle ne sait pas combien, ni sur quel compte.
Le téléphone sonne.
"Ah, Moshe, comment tu vas ? " demande Yaffa.
"Moi je vais super bien !"
"Tu veux faire quoi, Moshe" ?
La dame boudinée revient lui demander de quoi écrire.
"Attends, donnes-moi ton numéro de compte, tu veux faire quoi, Moshe ? Ah d'accord. Sur quel compte ? Changer le montant ?"
Son portable sonne.
Elle dit à Moshe d'attendre et elle répond.
C'est sa copine Dorit.
"Dorit comment ça va, ma chérie ? Oh oui c'était super...
Non Moshé, ce n'est pas à toi que je parle.
Oui Dorit, je disais...Non Moshé, attend..."
Moshé est un client, je le rappelle à ceux qui sont toujours là, pas un ami.
Dorit est une copine.
La momie aussi est une cliente.
Et nous....
Yaffa jongle entre ses téléphones et l'ordinateur et puis elle finit par dire à sa copine de rappeler dans quelques minutes.
"Oui, Moshé, où en étions-nous ?"
Tout en machant ses gâteaux et en comptant toujours les dollars.
"So, how much do you want to put ?"
Mamie ne répond pas, elle s'est endormie.
Mais non je rigole.
La boudinée revient.
Je peux prendre ta machine à calculer ?
Mamie se lève à regret et les deux messieurs se précipitent au cas où.
Le plus âgé est sourd comme un pot, et l'autre, son fils sans doute, fait tout pour lui.
Et voilà qu'on ne trouve pas la carte d'identité de Papy.
On vide 20 fois les poches du pépé, on soulève le clavier, le paquet de biscuit, on scrute le sol, ...
Pendant que la file s'allonge de gens pressés et que le monsieur très en affaires du début va faire un caca nerveux, et que la dame boudinée souffle.
C'est mon tour.
Yaffa n'a pas oublié qu'en bas j'ai dit ce que je viens chercher.
Et là, comme dans toutes les banques ici, elle se met à fouiller dans un tiroir où il y a des enveloppes, puis dans un autre un tiroir où il y a aussi des enveloppes, et finalement sort une boite
où il y a des cartes de banques.
Trois endroits différents pour ranger des cartes de banques, ça c'est l'organisation à l'israélienne.
"Ah mais tu n'es pas dans notre agence ?
"Non."
"Ici, je n'ai que des cartes de cette agence..."
Et juste quand je commence à dangereusement chauffer, que j'imagine par quel autre orifice je vais lui enfourner ses biscuits secs si elle ne me trouve pas cette .... de carte de banque....
Elle me la sort avec un grand sourire.
"Là voilà !"